Marne-Yeuse se situe à l’entrée de Royan en venant de l’axe Saujon-Saintes. Il est limitrophe de la zone commerciale Royan 2 et de la réserve naturelle des marais de Pousseau. Il abrite des lotissements pavillonnaires et des logements sociaux. Nous nous intéressons aujourd’hui à son histoire discrète et peu connue, faisant cependant partie du patrimoine urbain et social de Royan.

Marne-Yeuse, dans l’ombre de l’architecture des années 50 de Royan

« Le quartier de Marne-Yeuse » n’est sans doute pas la première réponse qu’on vous donnera quand vous demanderez « quoi visiter à Royan ? ». Outre ses célèbres plages, on vous parlera des quartiers de Pontaillac, de Foncillon. Ou des villas Belle Époque et de l’architecture des années 50… Cette architecture est emblématique de Royan et de sa Reconstruction après les bombardements alliés de janvier et avril 1945. Mais avec 85% de sa superficie détruite, Royan, ville sinistrée, doit pouvoir reloger ses habitants. C’est en périphérie des centres-villes détruits que l’on établit des habitations d’urgence, comme au quartier de Marne-Yeuse à Royan.

Bâtir dans l’urgence

Dès 1944, le gouvernement provisoire de la République française crée le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme. Pour la Reconstruction de Royan, ce ministère charge ainsi les architectes Claude Ferret, Louis Simon et André Morisseau de mettre en place le nouveau plan d’urbanisme et ses règles architecturales.

6000 habitants ainsi que le personnel de nettoyage de la ville sont relogés urgemment. Et cela se fait dans des conditions précaires : villages de toile, baraquements, cités provisoires… Plusieurs quartiers de Royan sont dédiés à cet effet dont Marne-Yeuse.

Marne-Yeuse, de la campagne à la ville

Avant de s’urbaniser, le site appartient à la campagne royannaise. Champs, pâtures, marais et aussi quelques fermes composent son paysage. Le nom du quartier réunit les deux parties distinctes qui le composent. La première mention rend hommage aux combattants de la bataille de la Marne pendant la Première Guerre mondiale. La seconde est un terme saintongeais pour désigner le chêne vert, espèce endémique dans la région.

À partir de 1946, la périphérie de la zone de Reconstruction accueille les premières cités provisoires pour ne pas ralentir les travaux. Plusieurs constructions de cités alimentent le quartier de Marne-Yeuse au fil des années. Il y coexiste ainsi des baraquements en bois, des pavillons préfabriqués, des constructions mixtes (fondations en dur et éléments de récupération) et des pavillons en dur (éléments de construction standardisés).

Constructions provisoires à l’origine, certaines cités ont aujourd’hui disparu alors que d’autres restent présentes.

Marne-Yeuse et ses cités pérennisées

La Cité Faupigné

maison de la cité Faupigné - quartier Marne-Yeuse

Vue du ciel, avec son croisement de rues, la cité de Faupigné ressemble ainsi à une étoile à six branches. Les architectes André Hoffelt et Maurice Legros travaillent sur ce projet. La construction de ces habitations est rapide. Elle se fait entre janvier et septembre 1946. On utilise en partie les pierres des ruines des bombardements. Des commerçants s’installent dans des bâtiment à deux niveaux donnant en rez-de-chaussée sur la rue pour la boutique et en sous-sol, l’habitation ouverte sur un jardin à l’arrière. Au fur et à mesure, on remplace les matériaux provisoires et de récupération par des matériaux pérennes. À partir de 1962, les occupants des petits pavillons peuvent devenir propriétaires.

Si la grande majorité des habitations sont semblables, on note aussi la présence de deux chalets autrichiens. L’Allemagne fournit ce type de construction à la France au titre de réparations des dommages de guerre. Leur architecture s’inspire des constructions traditionnelles des chalets de la Forêt Noire, de la Bavière et du Tyrol.

chalets autrichiens à Royan

Les plus anciens se souviennent de Madame Vachon et de sa charrette à poissons. Elle parcourait les rues de la cité pour vendre la pêche de son mari.

La Cité des 24 Maisons

C’est entre 1954 et 1955 que le projet de l’architecte Henri-Pierre Maillard voit le jour. Il est aussi à l’origine de la galerie Botton, actuel bureau d’information touristique de Royan. Cubique avec un étage, chacun des douze bâtiments se divise en deux et permet l’accès à vingt-quatre logements. Ils rappellent les constructions industrialisées à grande échelle des États-Unis à la sortie de la Seconde Guerre mondiale. Cela leur vaut le surnom de « Maisons américaines ». Toujours en place, la Cité des 24 Maisons longe le stade Raymond Matet de la Triloterie près du lycée Cordouan.

la cité des 24 maisons à Royan

La Cité des Rapatriés

Dès 1963, la France commence à accueillir les « rapatriés » d’Algérie française. La ville de Royan remplit alors sa part en recevant douze familles suite à l’installation de préfabriqués métalliques. La présence des Pieds-Noirs offre ainsi au lieu une ambiance méditerranéenne. On se souvient encore qu’ici « ça chantait et ça dansait ». À partir de 1975, les familles peuvent racheter les logements pour en devenir propriétaires. Suite aux différentes rénovations et aménagements, la Cité des Rapatriés est aujourd’hui composée de pavillons paysagés.

Maison de la cité des rapatriés de Marne-Yeuse

Les cités disparues de Marne-Yeuse

Faite de cantonnements ouvriers à partir de 1949,  la Cité Noire doit son nom aux parois et charpentes en bois enduites de coaltar.  La cité était dotée d’un seul point d’eau et la pauvreté y régnait. Son autre nom de Cité Cote 304 vient de la bataille de Verdun où Français et Allemands se disputaient une colline sans nom, identifiée par son altitude. Finalement, elle disparaît en 1956.

Construits sur d’anciennes vignes à partir de 1950, les baraquements de la Cité Grise accueillent d’abord les sinistrés des bombardements puis les relogés de la Cité Noire. Elle est ainsi appelée en raison des matériaux utilisés : bois vieilli et peint, crépi de ciment. La couleur des volets lui vaut aussi le nom de Cité Rouge. Diverses constructions la remplace jusqu’à sa disparition en 1970. Aujourd’hui, on trouve notamment à la même place l’école Marne l’Yeuse.

C’est la couleur des matériaux qui donnent son nom à la Cité Blanche : des briques et moellons crépis de blanc. Née suite à l’appel de l’hiver 54, elle porte aussi le nom de Cité de l’Abbé Pierre. Elle est remplacée en 2008 par la résidence Pierre Lis, ancien maire de Royan de 1979 à 1983 et père de Michel Lis, le célèbre journaliste jardinier.

Un livre pour se souvenir et témoigner

Cet article s’inspire en grande partie du livre « Royan – construire dans l’urgence – Quartier Marne-Yeuse 1945-1970 ». Il a été réalisé en collaboration par le centre socioculturel de Royan et l’association Artichem. Il compile faits historiques, recherches architecturales, anecdotes et témoignages.

Pour reprendre la quatrième de couverture, « cet ouvrage témoigne aussi du fabuleux engagement humain dans la vie quotidienne d’un quartier au début des Trente Glorieuses ».

chapelle du quartier Marne-Yeuse

De nos jours, des immeubles HLM dominent ce quartier populaire. Il y subsiste une authentique vie de quartier, à échelle humaine et familiale. La petite et modeste chapelle Saint-Jean accueille d’ailleurs toujours la messe. Ce livre est la preuve que le quartier de Marne-Yeuse fait autant partie de l’histoire de la ville de Royan que d’autres quartiers à la renommée plus établie.

Pour en savoir plus

« Royan – construire dans l’urgence – Quartier Marne-Yeuse 1945-1970 » :
en vente au Bureau d’Information Touristique de Royan.

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