À 10 km de Royan, un voyage au creux des falaises de Meschers-sur-Gironde

Creusées par la mer dans le calcaire, les grottes troglodytiques de Meschers offrent une rétrospective unique sur plusieurs millions d’années. Successivement greniers celtes, repères de pirates, entrepôts de contrebande, catacombes protestantes, logements privés de type saintongeais, puis guinguettes, elles demeurent finalement sites touristiques.

Perchées à une quinzaine de mètres au-dessus de la mer, ces cavités naturelles révèlent une vue imprenable sur l’estuaire de Gironde. Elles sillonnent les entrailles des falaises de Meschers-sur-Gironde. On les date de -140 à -65 millions d’années. À cette époque, les parois de roches blanches tendres et friables sont encore submergées. Taillées par les flots, ces surfaces calcaires portent toujours les traces de cette lointaine période géologique (fin du Crétacé). En témoignent les innombrables fossiles enkystés dans le cœur de la pierre, derniers vestiges de son passé sous-marin.

Un site exceptionnel

Vue panoramique sur les grottes troglodytiques de Meschers-sur-Gironde.

Histoire des grottes troglodytiques de meschers

De cro-magnon…

Plusieurs sites troglodytiques ouverts au public se dressent sur deux étages, en surplomb des vagues, sur 300 mètres de long. Il s’agit des grottes de Matata et du Régulus, entourées d’habitats privés logés à l’intérieur de la falaise. L’archéologie ne dit pas formellement que l’Homme préhistorique y a, en son temps, élu domicile, hypothèse pourtant plus que probable. On sait en revanche, avec certitude, que les celtes les ont exploitées plusieurs siècles avant notre ère. Ils y ont aménagé des silos à grains pour stocker les céréales, réservoirs typiques de leur savoir-faire technique et agricole.

Ces Gaulois (ou Santons, un peuple établi dans ce qui deviendra plus tard la Saintonge) n’avaient pas travaillé pour rien. Près d’un millénaire plus tard, des Sarrazins, de passage dans la région, ont réutilisé ces ouvrages primitifs en y creusant d’autres greniers dans les terrasses de la falaise. Ces installations rupestres ont d’ailleurs fait long feu ! Au Moyen Âge, des faux sauniers y dissimulent leurs récoltes dans le seul but de les soustraire aux collecteurs d’impôts chargés de prélever la gabelle, la taxe sur le sel.

à « Cadet le naufrageur »

Ces cavernes, agrandies et aménagées au fil du temps font ensuite le bonheur des pirates et autres pilleurs d’épaves. Citons par exemple le légendaire brigand Cadet, dit le « naufrageur ». Il y emmagasinait son butin dans un dédale de cellules souvent reliées les unes aux autres par des ouvertures naturelles. Puis, sous Louis XIV, les protestants menacés par la révocation de l’Édit de Nantes (1685) convertissent ces grottes en refuges. Ils peuvent ainsi célébrer leur culte à l’abri des autorités royales.

Plus tard, en 1814, un petit réseau de troglodytes est baptisé du nom d’un vaisseau français de la flotte napoléonienne : le Régulus. Son équipage décide de saborder le bâtiment face aux navires anglais au large de Meschers-sur-Gironde. Ce coup de canon sonne comme un nouveau départ pour les grottes de la commune. Leur aspect utilitaire et leur caractère interlope se transforment progressivement en fonction résidentielle au cours du XIXe siècle. Le tourisme balnéaire commence alors à émerger sur la côte atlantique, notamment dans la « station » de Royan toute proche.

Des sites panoramiques à flanc de falaise

Les premiers occupants sont des gens démunis qui s’établissent dans ces maisons informelles sans propriétaires ni loyers. Ils exploitent les infiltrations de ruissellement pour s’approvisionner en eau douce et vivent des produits des potagers installés au sommet de la falaise. Entre 1894 et 1920, l’une de ses habitants, Marie Guichard, s’y fait une réputation locale. Pour cela, elle commercialise des cartes postales qui la mettent en scène dans son environnement rustique et précaire.

Le site prend alors les atours d’un lieu de villégiature, avant de devenir l’une des images fortes du tourisme en Charente-Maritime. L’ère des « guinguettes » très courues par la clientèle bourgeoise gagne Régulus et Matata. De riches entrepreneurs, comme la famille Hennessy, connue pour sa production de Cognac, commencent à aménager des résidences privées (et secondaires) et même des chambres d’hôtes jusque dans les années 1950. Sur place, faiseurs de crêpes et de tartes aux prunes côtoient marchands de vins et de caviar girondin. Pour compléter le tableau, des cabanes sur pilotis commencent à s’aligner au pied des falaises pour la pêche au carrelet.

Les grottes troglodytiques de Meschers sont érigées au rang de patrimoine historique. Leur capital culturel est à l’honneur fin du XXe siècle.

  • Tout d’abord, les grottes de Matata connaissent une mutation décisive dans les années 1960 à l’initiative de Roger Menant, dont l’œuvre est poursuivie par son fils et son petit-fils. Le lieu abrite aujourd’hui un écomusée aménagé sur une dizaine de grottes, un restaurant et un hôtel, bâti à flanc de falaise.
  • À proximité, la municipalité rachètent les grottes du Régulus en 1980. On les restaure pour en faire un site touristique public. D’importants travaux de rénovation réalisés en 2022 ont permis de protéger ce lieu exceptionnel, confronté à l’érosion et à la montée des eaux. Une passerelle sur le parcours extérieur, des réaménagements intérieurs ainsi qu’une nouvelle scénographie offrent désormais aux visiteurs une expérience plus moderne et plus interactive.

Durée de la vidéo : 32 secondes


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